De la Ford Mustang de Bullitt à la DeLorean de Retour vers le futur, comment certaines voitures sont devenues des icônes culturelles autant que mécaniques.
L’automobile, actrice de cinéma à part entière
Depuis les débuts du cinéma, les voitures n’ont jamais été de simples accessoires. Elles sont les complices silencieuses des héros, les vecteurs de liberté, de puissance et parfois de nostalgie. Certaines ont même réussi l’exploit de voler la vedette à ceux qui tenaient le volant.
Des poursuites de Bullitt à la route de Mad Max, l’automobile a façonné l’imaginaire collectif. Chaque film culte a sa voiture fétiche, son rugissement reconnaissable, sa silhouette gravée dans la mémoire du public.
La Ford Mustang Fastback de Bullitt : la naissance du mythe
1968. Steve McQueen est au sommet de sa gloire. Dans Bullitt, il incarne le lieutenant Frank Bullitt, flic taciturne à la poursuite de tueurs dans les rues vallonnées de San Francisco. Mais la véritable star du film, c’est une Ford Mustang GT Fastback Highland Green de 1968, motorisée par un V8 390 ci (6,4 litres).
La course-poursuite de plus de dix minutes, filmée sans effets spéciaux, devient une scène culte du septième art. Pas de musique : seulement le son brut du moteur, le crissement des pneus et les chocs violents des suspensions. Ce réalisme, McQueen le voulait à tout prix. Il a lui-même participé aux cascades, au volant de la Mustang préparée par Max Balchowsky, un préparateur de Hollywood.
Résultat : la Mustang de Bullitt n’est plus une simple muscle car. Elle devient le symbole du cool, du courage, et du cinéma à l’ancienne. En 2020, l’un des deux exemplaires originaux a été vendu aux enchères pour 3,4 millions de dollars.
La DeLorean DMC-12 : du fiasco commercial à la légende temporelle
Quand elle sort en 1981, la DeLorean DMC-12 est un échec. Trop chère, sous-motorisée (V6 PRV de 2,85 L et 130 ch), et mal finie, elle peine à séduire. Son créateur, John DeLorean, est pourtant un ingénieur brillant — l’homme qui a inventé la Pontiac GTO.
Mais en 1985, Retour vers le futur change tout. Le réalisateur Robert Zemeckis et le scénariste Bob Gale cherchent une voiture « qui ait l’air d’un vaisseau spatial ». La DeLorean, avec sa carrosserie en acier inoxydable et ses portes papillon, s’impose naturellement.
Le reste appartient à l’histoire : une machine à voyager dans le temps, un convecteur temporel, et le légendaire cri de Doc Brown — “Roads? Where we’re going, we don’t need roads.”
Ironie du destin : la DeLorean, produite à seulement 9 000 exemplaires, est aujourd’hui une star absolue des conventions et des collections. Sans Hollywood, elle aurait sombré dans l’oubli. Grâce au cinéma, elle est éternelle.
L’Aston Martin DB5 de James Bond : élégance, gadgets et mythe britannique
Dès Goldfinger (1964), la Aston Martin DB5 devient la signature roulante de James Bond. Moteur 6 cylindres en ligne de 4,0 litres développant 282 ch, carrosserie en aluminium, intérieur cuir Connolly — c’est la quintessence du luxe anglais.
Mais ce qui la rend culte, ce sont les gadgets : mitrailleuses dissimulées, siège éjectable, plaque rotative, radar embarqué. La DB5 devient le parfait prolongement du personnage : raffiné, dangereux, irrésistible.
Ce lien est si fort que la DB5 fera de multiples retours, jusqu’à Skyfall et No Time to Die. Plus qu’une voiture, c’est un symbole. Le luxe et la performance au service du mythe 007.
La Mini Cooper de The Italian Job : la revanche des petites
En 1969, The Italian Job bouleverse les codes. Trois Mini Cooper S rouges, blanches et bleues dévalent les rues de Turin dans une course-poursuite millimétrée. Leur moteur 1275 cm³ ne développe que 76 chevaux, mais leur agilité, leur légèreté et leur audace font d’elles les vraies héroïnes du film.
La Mini incarne ici l’esprit britannique : rusée, fun, élégante. Et quand Michael Caine lance la réplique “You’re only supposed to blow the bloody doors off!”, la voiture devient une star mondiale.
Le film a tellement marqué les esprits que BMW, propriétaire de Mini, lui rendra hommage dans le remake de 2003 avec la nouvelle génération de Cooper S.
La Dodge Charger de Fast & Furious : la brute au coeur tendre
Difficile d’imaginer la saga Fast & Furious sans la Dodge Charger R/T 1970 de Dominic Toretto. Sous le capot, un monstrueux V8 Hemi 426 de 7,0 litres, suralimenté par un compresseur surdimensionné. Noire, massive, menaçante — elle symbolise la puissance américaine dans toute sa démesure.
Mais ce n’est pas qu’une voiture. C’est l’héritage du père de Dom, un lien entre la vitesse et la famille. Dans la première scène où elle se cabre sur ses roues arrière, le cinéma d’action automobile entre dans une nouvelle ère.
Aujourd’hui, la Charger est devenue indissociable de Vin Diesel, au point d’apparaître dans presque tous les opus de la saga.
Autres stars à quatre roues : un panthéon roulant
Comment ne pas citer la Lotus Esprit sous-marine de L’Espion qui m’aimait (1977), véritable sous-marin signé par l’équipe de 007 ? Ou la Batmobile de Tim Burton (1989), mi-voiture, mi-machine de guerre, devenue le symbole d’un héros torturé ? Sans oublier la Toyota Supra orange de Brian O’Conner dans Fast & Furious (2001), véritable passerelle entre la culture japonaise du tuning et Hollywood.
Chaque film, chaque époque, a sa voiture mythique. Et ces modèles, souvent oubliés dans les concessions, renaissent grâce à l’écran géant.
Pourquoi ces voitures nous font rêver
Parce qu’elles racontent des histoires. Parce qu’elles incarnent la liberté, la puissance, le style, mais aussi le temps qui passe. Elles nous rappellent un moment de cinéma, une émotion, une époque. Quand une voiture devient icône, elle dépasse sa fonction. Elle devient mémoire collective.
Dans l’obscurité d’une salle ou le reflet d’un écran, elles ne roulent pas — elles vivent.
